Dark Oldae
Partie IV
Chapitre XI: Le conseil noir
Assis l'un en face de l'autre dans la luxueuse navette militaire qui les amèneraient sur le porche du conseil, le seigneur noir et le Justifié se faisait faces sans un bruit. Flanqués chacun de leurs plus fidèles guerriers, ils s'observaient dans un silence pesant ; ce genre de parfait silence qui profile les situations difficiles où l'incertitude va de pair avec la réussite. Ou l'échec.
Finalement, ce fut le Mandalore qui prit l'initiative de briser le silence qui s'était installé alors que les formes des grandes tours sombres de Dromund Kaas City se dessinaient en contre-bas, à travers les larges vitres transparentes de la navette.
- Seigneur Sith, comment tout cela va-t-il se passer ? Je crains de ne pas être au fait des pratiques de l'empire et encore moins du conseil noir. Ce que j'en sais, se résume aux colportages et aux mythes qui entourent ce conseil. Et l'ensemble ne me semble guère réjouissant.
- Le conseil noir est l'institution suprême de l'empire. Elle est composée de douze seigneurs noirs des Sith répondant au titre de Dark et considérés comme les Sith les plus puissants et les plus sages de tout l'empire. Chacun des conseillers se voit attribuer une sphère d'influence politique lui octroyant des prérogatives dans le fonctionnement de l'empire. A l'instar du sénat républicain, le sénat impérial est une chimère de démocratie, son rôle est purement consultatif ; l'ensemble des pouvoirs sont centralisés autour du conseil noir et de ses membres. En simple, toutes les questions relatives à l'empire lui sont soumises.
- Votre amiral m'a parlé d'un certain Dark Ravage pour notre accueil. Qui est-il ?
- Dark Ravage est le conseiller noir en charge de l'expansion militaire et de la diplomatie. Il représentera l'empire lors de votre accueil à la citadelle. C'est un homme particulier mais c'est un diplomate émérite, je ne me fais pas d'inquiétude, il saura vous accueillir comme le doit votre rang et répondra à toutes vos interrogations. Et puis, ne vous inquiétez pas, je serai à vos côtés pendant la rencontre.
En réalité, Dark Ravage était aux yeux du Sith l'une des pires pourritures de tout l'ordre noir ; l'exemple même de la décadence impériale et de ce qu'il exécrait le plus chez les Sith. Outre le fait d'être l'un des plus grands détracteurs de Dark Thanaton - ce qui n'était probablement pas étranger à la considération d'Oldae pour ce conseiller - Ravage était un homme froid, calculateur et profondément cruel ; capable de faire éliminer des centaines voir des milliers d'innocents pour rester au pouvoir ; n'hésitant pas à massacrer et à abattre ses détracteurs les plus affichés, le tout agrémenté pas une grande gueule sans retenue qui déblatérait sans interruption les pensées vicieuses de son propriétaire et une xénophobie soigneusement affichée et entretenue.
Bref, l'archétype de la gangrène impériale qui avait su se placer au somment du gouvernement. La chose à éliminer pour réformer cet empire déformé par ce genre d'hommes pourris jusqu'à l'os.
- Combien de temps pensez-vous que les négociations vont durer, seigneur Sith ?
- J'envisagerai une petite semaine de tractations avant qu'un accord puisse t'être trouvé. Le conseil noir ne va pas apprécier de s'être fait voler l'initiative de cette alliance et va chercher à imposer ses conditions. Mais ne vous inquiétez pas, entourez de juristes et de plaideurs compétents, vous n'aurez aucun mal à faire entendre vos positions. Le conseil désire comme nous cette alliance, il ne s'entêtera pas au point de la compromettre. Mon conseiller, Dark Desius, restera avec vous pour vous épauler et veiller à ce que le conseil respecte vos intérêts. Fut un temps où Dark Desius était une figure majeure de cet empire ; un éminent juriste, philosophe, théoricien et politicien bien qu'il se garderait bien de cette dernière distinction ; son nom, bien que lointain, résonnera aux oreilles des plus fins connaisseurs de la vieille époque.
Le Mandalore acquiesça et le silence reprit ses droits dans la navette mais après quelques instants, se fut au tour du Sith de briser le silence.
- Vous souvenez-vous de nos conditions pour mon aide dans votre guerre, seigneur Mandalore ?
- En effet, approuva le Justifié. Favoriser le rapprochement de l'empire et des clans de Mandalore dans l'optique d'une alliance militaire et une aide politique à votre égard le moment où vous m'en ferez part. Pourquoi ? Pensez-vous que j'ai oublié nos accords ? Ne m'injuriez pas, seigneur Sith.
Pour cette fameuse aide politique, voyons. L'objectif même de la guerre n'avait jamais été l'alliance - tout du moins pas comme priorité - aux yeux du Sith. Non. L'objectif de cette guerre du schisme du combattant était de faire naître l'obligation née de la nécessité publique, seule capable de contraindre la plus haute institution impériale ; cette obligation qui apparaitra comme l'oeuvre d'Oldae destinée à se venger des conseillers. Son oeuvre. Son meilleur plan. Sa vengeance qui l'amènera à imposer ses conditions au conseil. Et pour que cela fonctionne, il était temps que le Justifié réponde à cette aide politique.
- Jamais, Mandalore. Veillez excuser ma maladresse, je n'essayais nullement de remettre en question votre honneur. Je voulais simplement vous signifier qu'il était temps pour moi de vous révéler qu'elle aide politique vous me fournirez.
Le Justifié fronça les yeux et plissa légèrement les lèvres tandis qu'il joignait ses mains devant lui en posant ses coudes sur ses genoux et en se penchant légèrement vers l'avant.
- Dites, je vous écoute.
- Ma demande est simple, Mandalore. Je ne veux qu'une chose, un simple service ou plutôt un simple délais.
- Ne tergiversez pas, seigneur Sith. Que voulez-vous ?
Oldae porta un instant son regard vers l'une des vitres de la navette : le sol se rapprochait, bientôt ils seraient arrivés. Le temps pressait, il n'avait pas le temps de noyer le mandalorian dans des flots de paroles sans réel intérêt. Il devait aller droit au but.
- Je ne veux pas que vous signez le traité d'alliance tant que je ne vous en aurai pas donné la permission, déclara froidement et crûment le Sith.
- Qu'entendez-vous par permission ? Votre accord ? demanda avec une pointe de scepticisme le mando'ade.
- Exactement.
- Quelle demanda saugrenue. Ca ne vous ressemble pas, seigneur Sith, signifia le Justifié, visiblement surpris d'une telle demande. Qu'elle est cette histoire ? Je ne comprends pas. Je croyez que vous vouliez cette alliance.
- Je la veux, comme vous. Mais j'ai besoin de votre aide. Vous serez ma garantie, Mandalore. Ma garantie auprès d'un conseil qui me voudra peut-être mort pour ce que je m'apprête à faire.
- Que vous apprêtez-vous à faire ? Je ne crains de ne pas comprendre.
- Je ne peux pas vous en dire plus. Mais croyez-en moi, ce traité ne sera pas remis en cause, il sera bien signé. J'ai besoin de vous pour contraindre le conseil noir, vous serez mon coup de bluff.
- Votre coup de bluff ? Vous nous croyez dans un jeu de Pazaak, seigneur Sith ? demanda avec une pointe d'agacement le Justifié.
- Non. Pas dans un jeu de Pazaak, Mandalore. Dans un jeu d'échec. Une galaxie pour échiquier, des puissances pour couleurs, des êtres vivants pour pions et des élites pour pièces. Moi, je ne désire pas demeurer un simple pion sur les cases noires de l'empire et du conseil. J'inspire à balayer ces cases et pour cela je dois être une pièce et plus un simple pion. Votre aide sera mon seul moyen d'obtenir cette promotion. Puis-je compter sur vous ?
Les yeux du Justifié se rétrécirent et ses traits se raidirent alors qu'il réfléchissait, jugeant le pour et le contre de cette proposition malvenue que le Sith avait veillé à n'aborder que lorsqu'ils arriveraient sur Dromund Kaas ; là où personne ne pourrait faire marche arrière ; là où seule la solution d'avancer apparaissait comme rationnelle.
- J'accepte votre requête, seigneur Sith, acquiesça finalement le Mandalore, non sans manquer de marquer sa contrariété. J'attendrai votre accord, je m'y engage.
- Je vous en remercie, Mandalore.
Quelques minutes passèrent avant que la navette ne se pose sur une petite plateforme jointe à la citadelle Sith où siégeaient les conseillers noirs.
Devant la navette, un long couloir de gardes en armures noires anthracites s'étalait jusqu'à l'entrée de la citadelle jointe à la passerelle d'atterrissage. A quelques mètres du vaisseau, cinq Sith se tenaient là, quatre d'entre eux légèrement en repli derrière le premier : Dark Ravage.
Pour une personne qui n'était pas sensible à la force, Dark Ravage semblait être un homme de taille moyenne et d'âge mur. Brun, les cheveux plaqués vers l'arrière dans une coupe élégante, les yeux d'un triste vert, les traits durs et légèrement cernés d'un homme finissant la quarantaine ; il avait d'avantage l'allure d'un des nobliaux de la capitale que d'un seigneur noir des Sith. Mais même pour l'oeil inexpérimenté, certains détails ne trompaient pas : un tatouage rouge en forme de flèche montait progressivement de son arrête du nez jusqu'au milieu du front alors qu'un tatouage de la même couleur venait agrémenter son large menton, et que deux traits noirs de tailles inégales venaient couvrir le bas de ses joues des deux côtés. A ses drôles de motifs caractéristiques d'une partie de la gente Sith, venaient s'ajouter une riche armure pourpre aux larges épaulettes et des implants cybernétiques de ses pommettes à ses tempes.
Mais pour une personne qui était sensible à la force, il n'était pas difficile, outre les atours, de deviner la nature de l'homme qui se tenait face à la navette, flanqué de quatre autres Sith. La pression spirituelle de l'homme, et le côté obscur qui en émanaient, suffisaient à convaincre quiconque qu'il était en la présence d'un membre du conseil noir ; l'un des douze plus puissants Sith de l'empire.
Le sas de la navette s'ouvrit dans un nuage de fumée et la passerelle se détracta pour laisser sortir une dizaine de gardes mandalorians qui se mirent en rang à leur tour de chaque côté du vaisseau.
Les gardes furent rapidement suivis du Justifié, flanqué par le seigneur noir, et ensemble, ils parcoururent la courte distance qui les séparait de l'accueil impérial.
Le Mandalore s'arrêta face au conseiller noir et le salua respectueusement d'une courte révérence que lui rendit ce dernier.
- Je vous souhaite la bienvenue sur Dromund Kaas, Mandalore le Justifié. Je suis le conseiller noir Dark Ravage, je serai celui qui vous conduira au conseil noir. Veuillez excuser notre impolitesse lors de votre arrivée ; nos services de sécurité ignoraient votre venue, comme le conseil d'ailleurs. Soyez certain que vous aurez le droit à toute l'hospitalité que doit l'empire à une personne de votre rang.
- Je vous remercie pour votre accueil Dark Ravage. Je crains qu'il me revienne aussi de m'excuser de ne pas avoir fait signifier ma venue mais les circonstances nous ont prises de court.
- Il n'en est rien. L'empire sera toujours heureux d'accueillir le célèbre Mandalore, déclara fièrement le conseiller, à l'aise dans le costume de diplomate puant qui était le sien depuis plus d'une décennie.
Mais Ravage avait bien remarquer que le Justifié n'était pas seul ; que quelqu'un de particulier dont le nom s'était régulièrement fait entendre sur les bans du sénat, les sièges du conseil et les tables des soirées de la noblesse impériale, se tenait là, au côté du Mandalore.
- Seigneur Oldae, je vous souhaite la bienvenue sur Dromund Kaas, salua Ravage avec un large sourire.
Le mépris brillait dans les yeux du conseiller. Imperceptible pour l'ignare des relations entre Dark Thanaton et Dark Ravage, honteusement perceptible pour ceux qui les suivaient.
- Je vous en remercie, seigneur Ravage, s'inclina légèrement Oldae, tel que son rang l'indiquait, une même lueur de mépris dans les yeux camouflés derrière son masque. Mais je vous serai gré de croire que la faute de notre arrivée incongrue est mienne. J'ai mal fait en ne prenant pas l'initiative de prévenir le conseil noir. Mais comme la dit le Mandalore, les circonstances l'exigeaient.
- Ce n'est rien, voyons, répondit Ravage alors qu'en réalité l'idée qu'un non-conseiller se soit permis de déroger au conseil l'irritait. Je vous serai gré de me suivre, messeigneurs, le conseil noir nous attend.
Et ils entrèrent dans la citadelle. Antre du côté obscur. Antre du conseil noir. Antre des tyrans de l'empire. L'arène d'Oldae.