La confrérie du nouvel ordre
Prélude (Partie I)
En - 3673, système Pyria, planète BorleiasLe vent soufflait fort sur les falaises du Fendu, à une soixantaine de kilomètres au nord de Venderia, une petite ville marchande de Borleias qui fondait son commerce sur l'élevage et la vente des vers de fer, de petites créatures originaires de Borleias qui avaient la particularité d'être recouvertes d'une couche de fer d'oxydium noir qui, extrait par le savoir-faire des artisans de Borleias permettait de former un composé moins couteux entrant dans la fabrication du dur-acier tel qu'il se fabriquait sur Yaga Minor.
Au coeur des falaises du Fendu, entre trois grands pic rocheux à la couleur grisâtre, une large cavité s'enfonçait dans la terre, à l'abris de tous les regards indiscrets, connue seulement des éleveurs de vers de fer qui gambadaient dans les falaises du pendu à la recherche des colonies de vers de fer qui se terraient dans les grottes, les interstices rocheux et les petites cavités naturelles formées par l'écoulement des pluies.
Au premier abord, la cavité semblait déserte, seuls les rayons brulants du soleil venaient s'abattre sur le vaste fond de la grotte à ciel ouvert et sur les petites alcôves taillées à même la roche, verrouillées par des portes de dur-aciers oxydées par l'humidité, et conçues par les premiers colons Borleiasiens qui avaient décidé d'élire domicile dans les falaises du Fendu pour se protéger des prédateurs tripodes qui écumaient les plaines désertes de la planète lorsqu'ils étaient arrivés.
Un silence de lieu abandonné y régnait, calme, désert ; seul le souffle d'un jeune vent froid en provenance de l'est sous un soleil de plomb venait remplir le silence des lieux.
Pourtant, venant de Venderia, un vieux cargo rouillé, aux couleurs oranges, rouges et noires, traça son chemin entre les pics grisonnants pour s'arrêter net au-dessus de la cavité et y amorcer une descente rapide.
Le cargo s'y posa violemment, un peu trop pressée d'atterrir, soulevant un nuage de poussière autour de lui. Alors, comme si la cavité reprenait vie, des dizaines et des dizaines de personnes sortirent des alcôves pour se diriger vers le cargo à grandes enjambées, certain même aux pas de course et un demi-cercle commença à se former autour de l'entrée du vieux vaisseau. Ils étaient des dizaines et des dizaines à arriver dans un flux ininterrompu, bientôt une cinquantaine, portant de vieilles uniformes noires, usées au niveau des manches, du col et des épaulettes. Le regard épuisé, le visage dur, ils portaient leurs yeux vers l'entrée du vaisseau, une fine lueur d'espoir dans les pupilles.
La passerelle finit par s'ouvrir après plusieurs secondes d'attente et un officier aux cheveux bruns et poussiéreux en sortit. L'homme portait un fusil et un sac qu'il posa sur le sol lorsqu'il eut descendu la passerelle et porta son regard vers les hommes qui s'étaient attroupés. Il dévisagea quelques instants l'assemblée qui s'était rassemblée devant le vaisseau de ses deux yeux ternes et fatigués, épuisés par des mois de cavales et de conflits. Son visage taillé à la serpe était assorti d'une barbe mal entretenue et une cicatrice encore fraîche venait lui barrer le front pour descendre jusqu'à son arcade gauche, sur laquelle une fine croute de sang coagulé se formait. Il devait être un ancien officier. Tout du moins la tenue décatie noire, au col et à la doublure rouges et aux épaulettes brodées d'or qu'il portait, semblait le laisser penser.
- Alors ? s'écria un homme dans l'assemblée. Vous l'avez trouvé ?
Les paroles de l'homme furent suivies de cris d'impatience et des volées de poings vers le ciel.
L'officier porta son regard vers l'homme qui venait de parler, ferma les yeux et prit une grande inspiration avant de déclarer avec un sourire qui vint relever ses pommettes noircies par le sable et qui semblaient ne pas s'être étirées depuis longtemps : "Oui, mes frères, nous l'avons trouvé".
La déclaration fut accueillie par des exclamations et des cris de joie dans l'assemblée. Les traits des hommes se détendirent et l'euphorie s'empara rapidement des coeurs fatigués des pauvres bougres qui avaient écumé toute la galaxie pendant des mois.
L'officier ne put masquer son sourire mais reprit rapidement consistance et s'écria d'un ton qui se voulait plus sérieux tout en assortissant ses paroles de gestes pour calmer l'euphorie de ses hommes : "Je sais, mes frères, je sais. Mais il est encore trop tôt pour crier victoire, ils arrivent, ils seront bientôt là. Allez chercher maître Meled'il, nous n'avons plus beaucoup de temps"
Des hommes acquiescèrent en coeur avant de partir en courant vers une alcôve.
L'officier soupira et leva les yeux au ciel avant de déclarer dans un murmure : "Ils ne tarderont pas".
Le gradé se retourna vers l'entrée du vaisseau et s'écria "Viens mon garçon, je vais te présenter à un ami à moi'".
Quelques instants passèrent avant qu'un petit garçon de neuf ou dix ans ne finisse par sortir du ventre du cargo pour se diriger vers l'officier. Blond, aux longs cheveux qui tombaient devant ses yeux et sur ses épaules, il portait une petite tenue de paysan visiblement trop grande pour lui et de petites sandales de cuir usées. Un petit ourson en peluche à la main et un pouce aux lèvres, il toisait de ses deux petits yeux azurs l'assemblée qui le dévisageait et qui s'était tue en le voyant sortir.
- Viens mon garçon, l'encouragea l'officier en lui tendant la main pour qui la saississe.
Le jeune garçon jeta un regard vers le gradé puis vers l'assemblée et de nouveau vers l'officier avant de se mettre à avancer doucement et de prendre la main tendue qu'il sera timidement. L'officier afficha un sourire qui se voulait chaleureux et sincère, et sera affectueusement la main du garçon avant de se baisser et de se mettre à la hauteur de son visage.
- Tu sais, j'avais un fils qui était un tout petit plus vieux que toi. Il s'appelait Anton, tu me fais penser à lui, lui dit l'officier. Je m'appelle Mark, Mark Thomson mais tu peux m'appeler Maki.
- Pourquoi, Maki ? demanda timidement le garçon en levant ses yeux bleus vers le gradé.
- C'était le nom que me donnait ma femme, elle s'appelait Sophia, sourit le soldat.
- Et où est-elle votre femme ?
Les yeux de l'officier s'assombrirent et son sourire disparu.
- Elle n'est plus, comme mon fils, des événements malheureux nous ont séparé, répondit difficilement le soldat. Mais ce n'est pas des histoires que l'on raconte à un enfant. Viens mon garçon, un ami à moi veut te voir.
Le gradé tira doucement le jeune garçon par la main et, ensemble, ils se dirigèrent vers une des alcôves de la cavité, passant entre deux rangées inégales d'hommes qui dévisageaient le garçon avec des murmures.
Lorsque l'officier et le garçon eurent quitté l'attroupement, qui continuait de les toiser à une distance vigilante, le jeune garçon demanda : "Qui sont ces hommes ?"
- Des hommes qui ont eu le courage et la volonté qu'il fallait avoir pour trahir leur patrie le moment venu, répondit la voix sèche d'un grand homme qui venait de sortir de l'une des alcôves pour se diriger vers Thomson et son protégé.
Le nouvel arrivant portait une bure noire et une grande cape marron foncée au manches bouffantes qui ne laissaient pas entrevoir ses mains. Ses cheveux grisonnants devaient autrefois être bruns mais étaient aujourd'hui de la même couleur que ses deux yeux d'un profond gris clair. Son visage était maigre, un menton large mais des joues creuses et un large front sur lequel se dessinaient de profondes rides. Le ton pâle de sa peau, presque blanchâtre donnait à l'homme un aspect maladif, le faisant paraitre pour plus vieux qu'il ne devait l'être réellement.
- Maître Meled'il, voici l'enfant, présenta l'officier. Est-ce bien celui que nous cherchons ?
- Oui c'est lui, capitaine, c'est celui que nous cherchions. Je le sens, il est celui que j'ai vu dans mes songes, déclara calmement d'une voix plus douce le vieillard. Comment t'appelles-tu mon garçon ?
Le garçon hésita et regarda un instant l'officier qui lui signifia de répondre au vieillard d'un geste de la main.
- Je m'appelle Charles, Charles Lentte.
- Enchanté, Charles, je suis Mattew Meled'il.
- Pourquoi tout le monde vous appelles maître ?
- Ohh, un lien avec mon ancienne fonction. Mais cela appartient au passé désormais.
- Qu'est-ce que je fais ici ? demanda le garçon en regardant autour de lui. Où sont papa et maman ?
Maitre Meled'il regarda le capitaine qui lui fit un signe de négation de la tête. Le vieillard soupira et se mordilla la lèvre inférieure en reportant son regard sur le garçon.
- Papa et maman nous rejoindront bientôt mais pas tout de suite. Ils ont des choses à faire et nous aussi.
- Des choses à faire ?
- Oui, des choses à faire, acquiesça le maître. Tu es promis à un grand avenir mon garçon, tu es notre élu à tous. Le premier de ton genre. Tu es le symbole de notre avenir et celui de toute la galaxie. Tu es celui que j'ai vu dans mes songes et tu es celui qui apportera un nouvel ordre galactique.
- Je n'ai rien d'un élu, monsieur, nia Charles de sa petite voix d'enfant.
- Détrompes-toi, tu es notre élu, celui que cette galaxie attendait depuis des millénaires. Maintenant vas, vas voir l'homme là-bas, il te donnera quelque chose à manger, lui montra le vieillard de la main.
L'enfant hésita un instant et finit par s'y résoudre, et s'éloigna de l'officier de celui que l'on appelait le maître.
- Vous êtes certain que c'est lui ? Je veux dire, vraiment certain ? demanda Mark lorsque l'enfant se fut éloigné.
- J'en suis certain, je le sens, je ne peux pas me tromper.
- Alors, après trois mois, nous avons enfin fini par le retrouver. Pourra t'il vraiment changer les choses ?
- Je l'ignore. Peut-être pas. Mais de tous ceux qui ont essayé, aucun ne possède son don.
- S'agit-il vraiment d'un don ? N'est-ce pas plutôt une malédiction, maître ?
- Pour nous, pour cette galaxie, il sera un don. Pour ceux qui craindront cet enfant, il sera une malédiction. Sa mère voulait que ce soit un don, un don qui lui permettait de leur échapper. Elle est morte trop tôt, malheureusement. Il nous revient de finir son oeuvre. Il est seul à avoir cette capacité, il est seul à avoir connu ce qu'il a connu, il est unique.
- J'espère que vous dites vrai, approuva le capitaine, sceptique.
- Il est trop tard pour faire marche arrière, désormais. Ils arrivent.
Alors qu'il eut fini sa phrase, le ciel se teinta de noir lorsque six croiseurs de classe Harrowers sortirent de l'hyperespace pour se placer au-dessus de Venderia et de la falaise du Fendu. Une nuée de chasseurs et de navettes commença alors à quitter les croiseurs et à se disperser dans le ciel pour se diriger vers le sol. Villes, villages, hameaux, rien n'y survivraient. Les hordes de l'empire laisseraient derrière eux une traînée de flammes et des orphelins qui ne sauront jamais la véritable raison du massacre qu'ils allaient vivre.
- Nous étions au courant qu'une seconde flotte devait arriver sur Borleias, mais pas aussi tôt et elle aurait dû commencer ses fouilles au secteur 12, pas ici, s'écria le capitaine en regardant vers le ciel alors que les hommes qui se tenaient dans la cavité faisaient de même.
- Le conseil noir nous a retrouvé, murmura le maître.
Le communicateur de Thomson se mit à grésiller et un homme s'écria "Une navette et une demi douzaine de chasseurs arrivent par l'ouest, ordre donné d'évacuer".
Le message semblait avoir été transmis à toutes les personnes présentes dans la cavité et tous les hommes se mirent à rejoindre les alcôves au pas de course.
- Les impériaux arrivent, maître, s'écria le capitaine.
- Je sais, et ils ne sont pas seuls, il est venu avec eux, il est venu en personne pour l'enfant, déclara le vieillard. Dépêchez-vous de partir, si l'empire met la main sur cet enfant, tout sera fini, ce sera la fin.
- Et vous ? Vous ne venez pas ?
- Je ne peux pas, s'il vient en personne pour l'enfant, il me faut le retenir, j'en suis le seul capable, rétorqua le maître. Et puis, j'ai passé le temps de fuir, je suis mourant, je ne vivrai plus très longtemps, autant que ma mort serve à notre cause. Je lui dois bien cela, à elle, celle qui m'a sauvé et qui m'a montré la voie.
- Mais...
- Non, capitaine, fuyez, vite. Prenez l'enfant et fuyez avec lui, ordonna Meled'il. Il est notre espoir, celui qui apportera la paix à cette galaxie, la paix définitive. Il est le précurseur d'une nouvelle ère, d'un nouvel ordre, il est le seul à pouvoir y parvenir, il est le seul à pouvoir mettre fin à l'équilibre établi. Il est temps de briser le cycle qui s'est établi depuis plus de 30 000 ans dans notre galaxie, le temps de retirer à ceux les droits qu'ils se sont octroyés, et il est le seul à pouvoir le faire. Parmi les milliards et les milliards de vies qui peuplent notre galaxie, elle l'a choisi, lui et lui seul. Pas seulement car il était son fils, mais car elle voyait en lui l'espoir de sa cause. Elle l'a choisi pour lui donner ce don. Il est le premier depuis trois siècles à avoir connu cela et, jamais depuis la naissance des manieurs de la force, un être a pu connaitre ou survivre si jeune à un tel processus. Alors sauvez-le, capitaine, sauvez-le et protégez-le.
Le capitaine regarda le vieillard, puis l'enfant que l'un des hommes avaient pris dans ses bras, ferma les yeux longuement et déclara : "Je vous le promets, je le protégerai".
Anton fit signe à l'homme qui tenait l'enfant de le suivre dans une des alcôves et verrouilla la porte derrière lui après avoir jeté un dernier regard au vieillard.
Maître Meled'il se retrouva seul au coeur de la cavité, avec un cargo pour seule compagnie. Le calme des lieux ne tarda pas à être rompu par le bruit des vaisseaux qui fendaient le ciel depuis l'ouest.
Il entendit derrière lui les bruits d'une navette s'approchait et le sifflement des chasseurs qui passèrent à toute vitesse au-dessus de la cavité, sans même s'arrêter ou ouvrir le feu. Seule la navette s'arrêta au centre de la cavité, à quelques mètres du sol. Entièrement noire, aux vitres teintées, la navette impériale tourna sur elle-même pour placer son sas vers l'endroit où se trouvait le vieillard. Maître Meled'il entendit la soute du vaisseau s'ouvrir, et le bruit de la passerelle qui se détractait.
Un homme, entièrement vêtu de noir, une large capuche sur le visage, se tenait sur le bord de la passerelle, les mains cachées dans les pans de sa grande cape. Il émanait de cet homme une pression spirituelle titanesque, un concentré de côté obscur et de ses ténèbres. Une seule catégorie de Sith, et les fidèles de l'empereur, pouvaient posséder une telle puissance : le conseil noir.
Il jeta un regard sur les alentours puis, d'un bond élégant, bondit de la passerelle et se réceptionna souplement sur le sol avant de se redresser de tout son long, laissant sa cape noir battre au vent.
Maître Meled'il inspira longuement les yeux fermés puis les rouvrit. Il sortit sa main gauche de sa manche, poussa l'un des plis de sa robe et, de son autre main, saisit le sabre laser qui pendait à sa ceinture. Il se tourna vers celui qui semblait être son adversaire et, d'un élégant mouvement rotatif du poignée, tira la lame de son sabre. Une lame cramoisie. La lame pourpre des Sith.